LA PEAU DURE
tendre Dora

Il y a des dieux qui s’entendent pas. Des légendes qui finissent mal. Qui finissent en tragédie. Y a la vieille carcasse de la bagnole rentrée droit dans le poteau électrique, Fox se penche pour voir la cause du décès, mais rien, quelques clopes sur le tableau de bord qu’elle attrape. Puis elle fait volte-face, parce qu’un renard pris sur le fait est un renard mort. Fox sourit, après tout y a plus personne pour lui rouler dessus. Sa figure penche, y a le tableau incomplet qui semble la mettre dos à l’autre, là-bas. Elle, elle est grande, plus grande que Fox, pour une raison ou pour une autre elle voit mieux la nuit que Rizzo et ça lui hérisse le poil. Depuis l’début de la fin, elle cherche à s’distraire. Fox, elle se calme même si ses sillons allumés aux déplaisirs de la journée continuent à gueuler d’aboyer. Parfois elle s’dit qu’elle devient le monstre sous les engins dilapidés et elle sait plus voir en haut, elle sait plus s’montrer devant son ennemie jurée. Pourtant elle s'répète qu’elle lui fera plus d’mal. Parce que Fox, elle sait plus frapper les gens. Mais quand elle empoigne son avant bras, y aura définitivement un méchant bleu, elle a ses pupilles qui disent bonjour aux plus acerbes mensonges, elle l’embrasse pleinement, les doigts plantés là, juste pour mordre les lèvres ensuite. Elle recule et s’amuse à voir perler les nerveuses déclinaisons sanguines au bord de son visage. Dora, foutue exploratrice de mes deux. T’étais passée où, crevure ?

deux yeux s'ouvrent sur la nuit noir. pas de lune. pas de témoin encombrant. square vide, à moitié. elle les sens les fantômes du passé qui rodent. deux jours clouée au pieu. foutu maladie. satané père. en parlant de satan, t'aurais aimé préféré son antre à ce vieux square. dora, elle a appris à explorer la nuit. se digérer dans les ruines. mais elle pensait pas que rizzo y arriverait aussi. brusque laisser-aller. embrassade de la renarde. tiens, celle-la, elle l'attendait pas dora. mais l'exploratrice, elle aime cette façon mielleuse de lui dire bonjour. elle aime plus grand chose, mais leurs bouches qui butent l'une contre l'autre, sont un bout, de tout ce qui lui reste. la morsure de ses doigts aussi. dis moi bonjour tous les jours comme ça. même si, dora, elle continue de vouloir supprimer ce qui réveille ses neurones, elle aime cet emprisonnement passager. faibles secondes, faible dora. alors elle se reprend. la faiblesse c'est pour les autres. elle allume un bout de nicotine entre ses lèvres abîmées. faut faire fuit l'odeur d'la nulle qu'a aimé le baiser de la renarde. entre deux rêves. ta carcasse d'enflure et les nuages. je sais pas lequel des deux est le plus plaisant.

Pourquoi ils partent ? ah ça remonte à sa tête au mauvais moment. Elle a la mort au fond des poches, ses épaules nues surprenennt le vent. Il s’invite, au dernier spectacle de l’année. Pourtant rien bouge, ici, il pourrait s’en aller. Dora se tient devant, y a des feuilles qui se superposent au dessus de sa tête, sur des branches à moitié nues. Fox s’installe entre la grande méchante louve, les mélancoliques secondes et la fatalité nuit. Encore le froid qui t’attrapes avant Mai ? T’inquiètes la ville Dora. Ses mains occupées à prendre un roulé, elle bouge pas d’là et puis décolle, de ses pas puérils, penche la tête, assez pour croiser le feu à la bouche de l’idiote, y a des fumées incomplètes qui s’échappent vers le haut, qui veulent plus de batailles ici. Et elle ne sortira plus les griffes, promis, on la retient à des draps pleins de jalousie. Mais la rivalité c’est comme deux gorges béantes qui se percutent d’uppercuts, et à mesure que leurs fulminantes angoisses percent les cieux, y a comme un sentiment inanimé qui s’installe, et qu’attend. Si t’as envie de crier un peu, j’attends mon amour. Il attend d’sortir de sa boîte, il attend de dessiner sur les joues de ses deux enfants braqués, des flammes bleues et oranges, des flammes qui descendent au corps et qui prennent aux tripes. Rizzo, saleté, la pousse pas donc si loin, t’emboîtes son pas, pour prendre sa place, où peut-être que tu veux l’entendre siffler, une fois. Ou deux. Ou toute la nuit.

la ville s’inquiéterait-elle d'une âme dépravée ? un rire érayé se déploie dans la gorge maltraitée de dora. les vibratos se mêlent au gris morne de la fumée. elle rit/tousse à moitié dora. et ça fait presque du bien, d'entendre quelque chose d'aussi vibrant sortir de sa bouche. oh. mais qui aurait ru, qu'au fond du square, entre la renarde et la braise de sa clope, elle paraisse aussi vivante l'exploratrice. j'veux pas user mes cordes vocales. j'les maltraite déjà assez. avec la toxicité de la vie, elles sont déjà bien assez usées. ses pas délaissent le sol usé, en gravité, le corps sur la balançoire qui se plaint un peu. elle a vécu tant de chose celle-là. la maltraitance des gosses qui veulent monter encore et toujours plus haut. viser le ciel. parce qu'il est beau le soleil dans la journée. empereur au milieu du coton blanc. et dora, elle aussi se serait mise à battre de l'air, si fox l'avait pas suivi de si près. alors dora, elle s'attarde un peu sur les épaule dénudées de rizzo. sur la peau lisse sur laquelle le vent s'acharne. elle brille un peu dans la nuit fox. c'est comme ces veilleuses fluorescentes, celles en forme d'étoiles qu'on colle au plafond quand on a encore peur de ce qui se cache sous le lit. fox, c'est un peu comme ces veilleuses là. toujours là où il faut. t'es belle, qu'elle lâche sans s'en rendre compte, dora, dans l'ombre. elle dirait n'importe quoi. pour n'importe quoi.

Les grands airs se décomposent, les alentours se colorient, aubergine puis taupe. Son coude bute contre le dessus des hanches, Fox étire ses canines sages. Dora compte pas devenir la patiente chanteuse de ses nuits, tant mieux pense-t-elle. Un effort, la nicotine pique ses yeux, elle ne se souvient plus des camels, elle profite du bâton de mort à moitié défait de son papier filtre, les mèches, corbeau maltraité balayent sa figure embrassée des ombres fugaces, et Fox décline d’une octave, sa voix retombe, elle déchante. Theo dis pas de bêtises, je suis translucide. Elle passe la limite de leur arc-en-ciel imaginaire, comme si elle avait l’droit, comme si elles jouaient à la marelle, et ses pas de renard l’amènent sous le tilleuil, et elle sourit grandement. Rizzo s’installe à l'affût, en n’perdant pas ces yeux de bandit qu’on lui reproche tellement, elle reprend son sérieux, mais y a Theo. Ah sa Theo. Avec ses bras longs et ses grains de beauté qui prennent de la place, ses cheveux inondent le reste de son corps, elle a envie d’y voir en dessous, Fox. Fox elle est devenu aussi curieuse, aussi curieuse que quand Dora susurrait ses horreurs à la bouche de sa rivalité malsaine. Et Rizzo lui disait. T’es dangereuse, toi. Mais elle envahissait pas les mètres restant et elle ne profitait pas de ses promenades d’enfant contre son corps adolescent. Dora elle lui rappelle avant. Doucement son index trace la courbe de sa vie de femme qui débute sous les yeux inquiets de Détroit elle, brûle sa clavicule de baisers intoxiqués, elle a au bout des doigts le tabac qui se plaint et qui crache au sol, qui s'époumone sans Fox pour l’occuper de ses lèvres folles. Sage, elle a la peau de Theo.

y a ses lèvres qui ont encore le gout de leur baiser. la langue de dora, elle essaye d'en récupérer les dernières miettes éparses. elle aurait voulu figer l'instant dans l'ambre. le mensonge te scié mal. tant sa translucidité, que le reste. le toxique baton va s'écraser dans le gravier des terrains de jeu de son enfance. dora, elle se souvient du détroit d'avant, quand on hurlait en trouvant le filtre de nicotine. le gravier, l'herbe, le toboggan rouillé. tout en est parsemé. plaisir discret, au détour d'une ombre. la lune en témoin caché. fox, elle a la gorge dégagée, à nue. les jambes de dora se déplie, elle veut découvrir fox. autrement que par les mots. depuis le temps, qu'elles partagent le même terrain de jeu. dora, elle veut jouer, lui apprendre à jouer. (elle veut la posséder) jouer à son jeu. mais faut s'occuper les doigts. doigts qui pianotent sur la gorge de fox. dora, elle s'imagine le piano désaccordé. les notes abusivement aiguë. t'as peur, rizzo ? peur de l'exploratrice en manque de tout ? vaudrait mieux être honnête renarde. tu peux changer la donne.

(est-ce-qu’elle se rappelle des épaules prenant les siennes au dépourvu ?) Les joues de ses copines, appuyées contre ses joues, les sourires de ses copines, caressant ses genoux, les yeux de ses copines, se stoppant sous les coups. Elle aimait pas ses billes tristes, personne s’y attardait. Ou si. On y voyait les étoiles parfois, ça valait le coup d’œil, ses petits boutons cousus sous les paupières étaient bien des voyous. Fox, et les soupirs qui tuent, Fox, dans son blouson cuir bleu foncé, manches brodées. Ce soir, rien pour protéger sa tête dure, ce soir, la bouche de Dora, tatouée sur ses mains, les avant-bras encombrés de fils tissés, tissés par Dusty, elle s’ennuie jamais de Dusty. Elle reste à attendre Theo, elle est faible, Fox, elle est faible. Mais elle fera des efforts. Rizzo, t’es le renard rusé des rues, t’es la paria du samedi soir et l’ancienne prude qui courrait les allées, t’avais peur du noir et des combats de cave, t’avais peur du son qui montait à tes oreilles, du son qui gueulait l’désir des pauvres gens dehors. Et toi ? Et toi t’as peur Dora ? Puis t’es devenue un d’ceux-là, oui t’es devenue affamée, complètement ahurie, t’es devenue la proie, quand t’étais l’prédateur, Fox… Parce que j'ai envie d'toi. Fox a regardé Theo, une fois d’trop, Fox l’a poussée, dans leur bac-a-sable, a pété un câble, Fox l’a rattrapée de sa bouche amusée, indolore, quand ses dents s’attachent, Fox grogne. C’est la guerre, Dora. La guerre est déclarée.