ALE OPSOMER
23 $$

(la perche totale)

2006//
il le savait pas encore, mais il faut aux événement cruciaux un peu de temps pour s'épanouir, comme une plante dans l'âme, porter leurs fruits et se déclarer dans la réalité. on pourrait appeler ça "le temps que ça prend pour ramasser". plus jamais rien comme avant. et, en bruit de fond, toujours se demander : qui aurais-je été si ça ne m'était pas arrivé.

- hé, ale, mon pote, viens par là, viens, t'aurais pas quelque chose pour moi?
pas de réaction.
- hé alors, ale, y se passe quoi? fais voir tes poches, vite. dépêche-toi.
c'était à ce moment là qu'ilan lui avait glissé le cutter dans la main.
la lame s'était enfoncée dans le cou de joe mcgill comme un couteau dans du beurre. y avait eu comme une pause dans le temps, suspendu. le sang avait pas giclé tout de suite. on avait juste entendu un gargouillis.
et puis il y en avait eu partout,
partout,
man, je te jure, sur sa gorge, sur ses mains, sur sa chemise, sur le mur, sur la lame!!
il en avait même dans la bouche, ale.
sur son sourire rouge bain de sang.
- joe, c'est la dernière fois que tu mfais les poches, "mon pote".

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2015//
y en a ils savent pas ce que c'est d'être élevé par des chiens plus âgés, de rien en avoir à foutre, se laisser traîner, entraîner, engrener, finir mauvaise graine. de vivre au coup par coup, en coups durs de plus en plus durs. les gens qui cognent jamais savent pas comment ça marche. vraiment se maraver, prendre des pains, latter des faces, casser des dents, des os, et se faire massacrer à son tour. ils savent pas l'effet que ça fait. peuvent pas sentir l'instinct dans les jointures blanches, à bout portant. savent pas tous ça les gens normaux.
le sifflement du poing dans l'air
le bruit sourd, sbam dans ta gueule
le craquement de la pommette
le sang qui pisse
(on en revient toujours au sang)
ils sont là debout, ils font woh et ah et ils sont fous ils vont s'entretuer et arrêtez-les?
toujours un attroupement pour regarder (parce qu'il faut quand même pas en perdre une miette)
et parmi eux: elle. qui se fraie un chemin au premier rang, agressive mais féminine, d'une manière détournée, insidieuse. attirée par la masse compacte de la foule, l'air déchiré par les grognements, la chair qui brûle, la peur qu'on caresse, incendiée et belle à voir.
excitée qu'on puisse souffrir autant.
elle voudrait, coquine, embrasser l'homme mourant.
(could you be the most beautiful girl in the world?)

alors ale il continue de cogner, pour la beauté du geste.
tchac
tchac
tchac
et sa victime a plusieurs visages.
son frère qui n'est qu'un gros con.
sa mère qui pleure tard le soir.
joe mcgill qui lui faisait les poches.
l'animal, tapi dans son ventre.
la ville, qui le façonne.

comme une pause dans le temps, suspendu.

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