personne. ce soir y a personne qui veut de Nana dans sa nuit, ce soir y avait que les baraques fantômes de Détroit pour accueillir nana. heureusement y a chez les banks. enfin les, c'est un grand mot. y a m'dame banks. elle est cool. alors nana elle a frappé tout à l'heure, elle connait les horaires maintenant, les horaires où elle dort, ceux où elle dort pas, ceux où y a un fort risque que max soit déjà là et la rembarre parce que maman sera pas là pour lui dire de la laisser rentrer. heureusement max, il est pas encore rentré. elle laisse maman banks dormir, elle fait pas trop de bruit, laisse ses chaussures dans le couloir, son pull sur la table.  
elle l'entends alors qu'elle fouille dans le frigo parce qu'elle commence vraiment a avoir faim. elle se retourne pas pour savoir que la voir le nez dans son frigo l'énerve déjà. elle le connait max, pas besoin de se retourner pour voir ses pupilles dilatés, l'feu d'artifice dans ses prunelles, l'humeur bougonne sur sa tête de sale gosse.
arrête un peu, j'prends pas beaucoup d'place.
elle sourit en s'asseyant sur un meuble. il est jamais agréable max, un salut lui écorcherait surement la langue. les yeux explosés, la clope au bec, les yeux rivés aux aiguilles, les oreilles aux tic-tac de sa montre. elle pourrait comprendre nana, que c'est pas cool de rentrer chez soi et de trouver une fille inconnue, connue, il sait surement plus, allongée sur le canapé, entrain d'enfiler un pull qu'est pas a elle ou la tête plongée dans la garde-manger. elle roule des yeux, désigne son paquet du menton, demande en essayant le plus possible d'avoir un ton diplomatique.
j'peux t'en prendre une ?
en général elle prends sans demander. mais ça c'est plutôt quand il laisse trainer n'importe où son paquet, son tabac, ses saloperies qui réchauffent sa poitrine à nana, quand ya plus personne pour réchauffer quoi que ce soit à détroit.
journée de merde, ou ma simple présence suffit à expliquer cet accueil chaleureux?
elle lance l'armée d'avance. parce que max il torpille sans cesse. il joue sans cesse dans son monde enfumé. pourtant c'est sûr, max il a bien quelque chose a dire, autre chose que nana rentre chez toi, rentre chez quelqu'un d'autre. c'est certain. max il finira par céder.

La réalité c'est qu'à la base, moi, je suis le genre de gars à qui ça énerve pas, ça là, la charité et tous ces trucs bien politiquement corrects. J'veux dire, si on s'aide plus entre merdeux, c'est la mort. Le problème c'est que chez moi on est en attente. Moi j'attends que m'man soit frappée par le saint esprit, son dieu des renoi, aux tresses affro rasta. Sérieux, j'y crois aux miracles, la science ça peut faire des trucs de fou sur le cerveau. Parfois m'man je l'imagine se lever. Elle m'prend dans ses bras et dit allez c'est fini file moi ton joint on va voir la mif à LA. Mais m'man je sais qu'elle attend autre chose. Elle attend la lumière ou les frangins. Et y'en a aucun qui vient. Par contre Nana, ça on peut dire qu'elle vient.
"Pas beaucoup c'est déjà trop" et là m'man elle dirait dis, t'es sacrément con Max, elle m'aide Nana. Et bam dans ma gueule, ça m'apprendra à faire le malin. Scanner facial. Nana elle me mate et j'ai la sensation qu'elle m'analyse. Gorgée bien fraîche, la bière ça va me calmer, ouais. C'est chiant parce que j'me vois dans le reflet de la vitre, j'me vois et j'ai pas fière allure. Enfin, j'suis Max. Max aux yeux rouge, c'est tout.
"Ouais ouais", j'bougonne. Je ferme la porte parce que j'aimerais bien éviter qu'un cancer s'infiltre dans les poumons de m'man quand elle se repose enfin. M'man elle mérite pas tout ça, alors j'veux rien empirer moi. La bière est finie mais moi j'ai rien fini. Dans ma tête ça s'ambiance encore à la frénésie de la C sur le son. J'm'assois sur un meuble et je sors un flash de mon sweat. Y'a pas de fin. La fin c'est quand je suis avec Romie, autrement ça bouillonne toujours.
"T'es là pour combien de temps?", j'ignore le reste. Je veux pas qu'on m'analyse. L'alcool brûle, la tête fume, les yeux brillent, Nana se balance face à mes yeux. Tout va bien.
"M'man dormait quand t'es arrivée?", ça me rattache au monde ça. Nana, j'ai l'impression que la fête elle connaît pas. Pourtant y'a rien d'tel qu'un flash qui aveugle. Au moins ça permet d'oublier un peu le reste, l'attente, ces conneries quoi.

c'comme un vinyle qu'a un pet, max. il tourne en boucle, on a l'impression de réentendre la même chanson à chaque fois. de revoir les mêmes yeux rouges, d'entendre les mêmes mots. ça lui fait plus grand chose à nana. max chiant, max emmerdant, c'est la routine. pourtant elle aime bien, la façon qu'il a de regarder vers la porte, d'écouter la respiration qui tambourine de l'autre côté. elle aime bien la façon dont il espère on ne sait trop quoi quand il la regarde, sa daronne. ses regards mécaniques vers sa montre quand il rentre, pour contrôler, surveiller, espérer encore.
elle saute du meuble, va s'emparer du paquet, glisse une clope entre ses dents, craque une allumette d'un vieux paquet de la cuisine parce qu'elle se dit que c'est une mauvaise idée de lui demander aussi son briquet. fesses sur la table en face, les poumons qui crachent d'la fumée, la tête qui remercie le répit accordé.
j'sais pas. cette nuit, et puis demain aussi peut être. t'as hâte que j'reparte?
c'une question rhétorique. bien entendu qu'il attends que ça. elle reste tranquille quand il sort ses inséparables conneries de sa poche. elle reste stoïque, elle en a rien a branler, elle a rien a dire. elle c'est que le dimanche ces conneries là. et parfois les autres jours quand ça va pas. ce soir ça va, alors clope ça suffira. mais lui, lui c'est toujours. c'est comme s'il avait la bague au doigt, manque plus qu'une petite fugue a l'orgue pour mettre l'ambiance et le voilà marié a ses saloperies.
mmh, j'suis allée voir si elle avait besoin d'moi, mais elle dormait déjà.
la lumière jaune de l'ampoule de la cuisine fait un effet bizarre avec la fumée. elle voit max entrecoupé de brume grise, la lumière qui accentue sans doute sa tête défoncée. sa tête quoi.
dis, tu crois que c'est possible? qu'elle guérisse?
c'est pas très malin nana. de parler de sa mère. mais c'est le seul sujet qui les lie un peu. parce qu'elle l'aime bien la mère banks. elle est cool. elle est un peu cassée, enfin pas qu'un peu. et pourtant elle est géniale. nana elle sait pas ce que c'est les parents. elle sait plus. alors c'est cool ici. rien qu'entendre sa respiration, rien que se lever pour l'aider quand elle entend le grincement du fauteuil, regarder max se dépecher de rentrer pour faire la tournée cachets, regarder max fermer les portes, s'inquiéter, espérer. elle aime.
max? elle tire une latte. recrache. t'as quel âge?
des fois t'a l'air d'avoir des siècles tu sais max. sous tes yeux usés, tes yeux rougis. max le rouge elle t'appelle dans sa tête nana. ça fait pirate, ça fait nom de défoncé, d'enfoiré, de dessin animé. ça te va bien.

"Boh", je lâche en haussant des épaules. J'me sens un peu mal, d'un coup, d'forcer comme ça. Peut-être qu'elle a raison m'man, peut-être qu'elle est sympa Nana. Au fond, du fond du fond du fond. Souvent j'me dis putain, t'es vraiment con Max. Tout foutre en l'air, bimbadaboum je m'y connais. Avec Romie, avec moi. Mais l'pire, avec m'man. Et si m'man m'en voulait d'traiter Nana comme ça ? J'veux dire, elle l'aime bien, Nana. C'est la fille qu'elle a pas eue. J'essaie de relativiser mais plus j'relativise moins ça va. Parano du matin, quand l'esprit n'est plus trop clair et l'coeur bat comme un malade. Ou c'est peut-être la drogue. J'réponds rien d'plus que 'boh'. En soit, si j'la vois pas, ça m'va. J'ai mon espace vital, c'est tout. Jamais d'mandé à avoir une soeur sortie de nulle part. Nana elle est seule, ouais la pauvre olala blablabla, enfin bon, des gamins dans la merde à Detroit y'en a partout. Plus j'pense, plus je délire, plus j'délire plus j'deviens un connard de merde. Alors je bois.
"Merci" j'dis en hochant la tête. Et ça m'écorche un peu les lèvres gercées, mais j'prends sur moi. Couilles dans l'fut c'est ton amour propre qui s'en va là, Max. Non mais c'est vrai, en plus, elle l'aide m'man. Parfois j'la vois qui sourit, accrochée à son fauteuil de partout. Elle m'dit 'oh mais qu'est-ce qu'elle est bien cette petite'. Mais putain, moi aussi j'suis bien! Pas assez bien p't'être ? C'est les yeux rouges qui t'font peur, m'man ?
Y'a tout qui frémit quand elle m'demande ça, Nana. C'est l'genre de questions auxquelles on ne se répond jamais, parce que ça fait peur. Plus peur que l'image du corps qui se défait avec le temps. Quand j'y pense j'fais en sorte de plus y penser. J'appelle un pote et on fait la fête. C'est tout. C'est violent et ça fait mal. Un énième rappel à la condition humaine. M'man tu vas finir par crever. Et j'crois qu't'en as envie. Moi j'ai peur de cette envie, c'est tout. Parce que si toi tu pars m'man, j'serai tout seul.
"Sans y croire on lâcherait tout. Elle va pas guérir, mais peut-être qu'elle aura moins mal", je sais pas si elle a mal, en fait. J'veux dire, physiquement je crois pas. Justement, elle sent plus rien, c'est pire. Mais au fond d'son grand coeur, m'man, j'sais qu'elle souffre comme personne. Pas facile de t'dire qu'un jour le destin t'a dit eh, cocotte, retourne à ta condition primaire. Immobile. Pire qu'un gosse. Un gosse, au moins, ça finit par apprendre à bouger. M'man elle apprendra plus jamais rien. Je souffle et la fumée m'embrume. Ca commence à taper trop fort et les lumières se font gênantes. Nana, par contre, ça va. J'commence à m'y faire.
"J'ai 22 ans. Et toi? 17,18?", c'est quand même triste de s'dire qu'elle est seule, Nana. Moi c'est ce que je redoute. Mais elle, elle l'est vraiment. Y'a plus personne. J'y crois à moitié, mais c'est c'que m'a dit m'man.
"Tu veux un verre?" j'propose, par automatisme.

qu'est-ce qu'elle peut y faire nana hein? elle est pas docteur, pas sainte. elle est pas bonne soeur, pas une âme charitable, y a qu'avec maman banks qu'elle obéit, qu'elle devient attentive aux bruits qu'elle fait, aux mots qu'elle prononce, pour que ça soit moins dur. elle aime bien les cassés, les grands brûlés de la vie nana, ils ont toujours quelque chose de plus que les autres. elle aimerait bien faire quelque chose de plus que lui ranger ses courses, ses affaires, que de l'aider a se mettre dans son lit, a pas traverser trop lentement les routes. y a qu'avec elle qu'elle prends les passages piétons nana, elle fit attention. elle veut pas être bonne soeur nana, elle est pas charitable, elle est pas gentille, elle a pas de pitié pour eux, pour elle, pour lui. peut être de la compassion un peu, juste un peu, juste des idées de gamine, si les miracles ça existe elle veut être présente. et si ça n'existe pas, si elle clamse la mère banks, elle pleurera surement nana, elle viendra plus embêter max, ou peut être que si, il saura ce que c'est que d'être seul dans une maison sans une autre respiration.
il remercie, elle relève pas. ça serait bien la première fois, mais elle a pas envie de répondre de rien ou une connerie du genre. nan pas de rien putain.
j'espère. elle a de la chance de t'avoir t'sais, t'es pire qu'une huitre, tu t'accroches, tu t'accrocherai pour deux, pour trois même peut être. tout le monde saurait pas.
peut être qu'elle voudrait maman banks. peut être qu'elle voudrait que ça, clamser. que les quatre planches font plus si peur face à la douleur. sauf qu'il y a max. c'est sûr, c'est certain, il s'accrochera pour elle, alors elle fait pareil, elle s'accroche. on dirait une peinture madame banks, immobile, belle, avec la douleur au fond des yeux, mais max il bouge pour elle, alors elle peut pas. partir. faut pas être égoïste nana, tu peux pas lui dire qu'elle peut pas le laisser max, t'es rien du tout, elle, elle souffre ce que tu souffriras jamais. alors arrête de penser, t'as pas d'avis a avoir, tu peux juste être là. être là pour l'aider quand elle est vivante, pour l'aimer un peu, elle est cool maman banks, etre là quand pour pleurer si dieu ou n'importe qui la libère de son fauteuil. juste être là, squatter la cuisine, prendre ce putain de verre qu'il te propose max.
il faisait plus jeune. et beaucoup plus vieux des fois. c'est peut être ses yeux cernés, son air constamment drogué. max le rouge, max sans âge. elle, elle fait toujours plus jeune. on dirait que son visage à cessé de vieillir.
raté, 19. ouais j'veux
elle saute au bas de la table, trouve un verre quelque part, le tend. veut pas savoir ce qu'il lui donne, du moment que c'est pas de l'eau, ni du détergent, elle veut pas savoir. il a une vie bizarre max. entre responsabilité et irresponsabilité. drogué, shooté, embrumé toujours. et pourtant, pourtant il manque jamais l'heure de maman, il est lucide quand il s'agit d'elle.
dis max, tu m’emmènerais ? là où tu vas, là d'où tu reviens le soir.
les yeux rouges, les cheveux collés au front à cause de la sueur, les lèvres sèches, les mains tremblantes. elle veut voir. elle voudrait que tu l'emmènes. une fois rien qu'une. elle squatte des fêtes parfois nana. elle squatte. encore toujours. nana nulle part, nana jamais invitée, nana jamais vraiment désirée même quand on l'aime bien. dis max, parle lui, pour une fois. et pas de fauteuil roulant, pas de médocs, pas de retourne chez ta mère, retourne sur ton trottoir. parle lui. dis max.

bah j'suis la fille de mes parents. et pourtant je suis là, alors que peut être elle est morte ma mère, p't'être que mon papa me cherche, peut être qu'ils ont eu un accident de voiture, peut être que j'ai un p'tit frère ou une p'tite soeur et que j'le sais pas.
non c'est pas si normal. peut être que sa mère a nana, elle aurait besoin. et pourtant nana elle est partie, pourtant nana elle se souvient plus de son visage, ni de son prénom à sa mère. peut être qu'elle perds la tête? peut être qu'elle a Alzheimer. peut être que son papa est aveugle, que sa mère est pute, peut être qu'ils sont a la rue, qu'ils sont riches. c'est ses parents. son papa, sa maman. et pourtant elle est partie nana. alors non, non c'est pas si normal que ça. ou c'est nana qu'est pas normale ça serait plus probable. qui oublie sa famille hein? qui? qui? personne. nana. ça revient au même. c'est bizarre de pas savoir. elle se dit qu'elle a dû avoir un accident. ou qu'elle s'est faite lobotomiser. elle essaye de se rappeler quand elle voit maman banks. quand elle voit max. une mère, un fils. c'normal il a raison. elle avale ce qu'il lui donne. putain c'est fort. c'est froid. ça déglingue les dents, la gorge. ça fait du bien.
j'ai besoin d'une raison? et j'pas dis ça, fin peut être, je sais pas. je m'impose là parce que ta mère veut bien, ça s'rait plus cool si tu voulais aussi un peu. et moi j'ai q'chose a t'offrir ? que dalle, j'veux juste que quelqu'un m'emmène. j'veux que tu m'emmènes.
c'est bête. elle connait détroit comme sa poche. c'est con. il peut l'emmener où il veut elle connaitra déjà. sauf qu'avoir un but, quelqu'un qui t'emmène, un endroit où aller, ça changerait. ça serait pas le hasard, pas nana qui passe dans une rue, qui entend la musique, qui rentre comme si c'était chez elle, qui danse un peu, repart, rentre ailleurs. elle s'marre aussi. parce que putain c'est vrai qu'c'est con. manquerait plus qu'il dise oui. manquerait plus qu'il soit gentil. et merde. il dit peut être. il dit oui après.
et j'irai où hein? j'connais que détroit, et détroit c'est pas si grand que ça au final, alors t'auras qu'a me chercher ! et toi , toi, qui dit que si tu voulais bien de moi ici tu me jetterais pas ensuite, paf nana dehors?
elle sourit un peu. le whisky sur les lèvres. oui, oui c'est du whisky elle en est presque certaine. max qui la cherche ça serait drôle. inattendu. impossible? il cherche personne max. fin si peut être, mais pas elle, ça c'est certain.
et il dit oui. ouais. okay.
c'est tout, elle en demande pas plus. tu l'emmènes, une fois ça suffira. juste pour voir. juste pour s'amuser avec quelqu'un qu'est pas inconnu. quelqu'un avec un nom.
cool.
je vadrouille trop justement, j'suis fatiguée, alors c'cool si tu m'emmènes.
elle voudrait être une gamine. dire "j'veux ma maman". elle a pas d'maman nana. alors demain ça sera les bras de la musique, les bras des flashs, des lumières, de basses qui l'encerclent, les bras des autres qui se colleront, ceux de l'alcool surement, de la drogue peut être, les bras du monde. pour remplacer maman. papa. et tous les autres.

elle aime détroit nana. détroit ça tourne en boucle, c'comme un vinyle. ça grésille sous les cris des putains, sous les fumées des camés. ça perce la solitude. détroit elle aime nana. c'est le seul chez elle qu'elle a. ça lui ressemble. détroit elle se souvient pas non plus. de comment on en est arrivés là.
elle a des hypothèses nana. sur le trou noir, sur les pans effacés, sur son cerveau déglingué. peut ptêtre qu'elle a un problème au cerveau, ptêtre qu'elle a subit un choc, qu'elle a eu un accident, p'têtre qu'elle s'est faite enlevée les images dans sa tête apr des scientifiques, par des terroristes, par un service de contre-espionnage. c'est con. au final elle se pose plus la question. sauf des fois quand ça va pas. mais sinon elle prends comme ça. pas de souvenirs, pas de douleur, pas de tristesse, pas de rancoeur. amnésie ma jolie.
il m'emmène qu'elle se répète. ça c'est cool. elle comprends pas que ça marche pas comme ça nana. elle comprends pas que ça se fait pas. qu'on peut pas rentrer dans la vie des gens, qu'on peut pas manger dans leur frigo, être là dans le décor,violer les photos, laisser son odeur sur le canapé là où ça devrait pas. elle comprends pas. alors elle reste. elle revient. elle aide maman banks. elle mange, elle repart. pour un jour. deux. une semaine. un mois. et puis elle revient encore.
j'pas d'questions sur la vie, et si j'en ai j'crois que j'te les poserai pas. la solitude j'la connais, tu peux rien m'apprendre, pour le reste j'ai pas d'questions j'en ai rien a foutre
elle se sent le besoin d'expliquer. il comprends pas tant pis. il écoute tant mieux.
t'sais j'suis pas désespérée, en recherche de compassion ou j'sais pas quoi. j'me souviens pas, alors ça va. j'suis pas une pleureuse, j'suis pas cassée, j'suis pas triste, j'souffre pas, j'suis pas fragile j'sais me défendre, j'suis juste seule. c'pas grave, c'juste chiant
elle écrase son mégot dans un cendrier, une coupelle, un machin qui traine là. il aime pas les questions. elle aime pas les réponses. elles vont jamais.
ok.
elle sourit derrière la fumée nana. elle a envie de demander pourquoi il voudrait bien. mais il a dit pas de questions existentielles max. alors elle la ferme. elle finit son verre. s'marre en contemplant les glaçons au fond. le regarde.
c'compliqué d'avoir une conversation si on peut pas poser d'questions tu sais.
c'con. en même temps t'a pas tort. elle s'en fiche de savoir ce que tu as fait aujourd'hui. elle veut pas savoir où t'es allé. comment tu vas, ça l'intéresse pas. elle préfèrerait que tu lui dises pourquoi t'aimes pas les questions. ou que tu lui racontes n'importe quoi. des trucs idiots, des trucs importants, ridicules, idiots. que t'arrêtes de donner des ordres, de contrôler. elle est pas comme maman banks nana tu sais, y a pas d'médocs a donner, y a rien a contrôler.

nana c'est bizarre comme prénom. max c'est normal au moins. elle aime bien s'appeler pas comme tout le monde nana, ça donne l'illusion d'avoir quelque chose en plus. mon cul l'q'chose en plus. ya que deux pauv' lettres. elle sait plus trop quelle heure il est, elle fatiguée cette nuit. ce matin ? il parle trop. elle a pas le droit au questions existentielles sur la vie mais lui il peut, les grandes tirades philosophes de la vie, lui il a le droit. de toute façon elle comprend pas tout. il est tard, tôt. y a le whisky aussi. elle se lève, s'en ressert un verre, s'brûle les lippes, la langue, la gorge.
elle est assez d'accord. surtout que la plupart du temps, on en a rien foutre d'combien t'as de frère et soeur, la couleur de ton chien et l'endroit où tu fais tes courses. elle aime bien les questions nana, mais pas sur elle. les questions dont il parle max, celles qui emmerdent plus qu'autre chose, impersonnelles, meuble-silence. tu viens d'où nana? silence. tu comptes faire quoi plus tard nana? silence. et les questions s'enchainent, c'est ni gênant, ni blessant ni rien, ça emmerde juste le monde.
j'crois que les gens font ça parce que ça fait peur, être banal ça fait peur, agir ça fait peur. alors tu fais l'illusion que t'es beau, que t'es mieux que la normale. pourtant c'est crétin j'vois pas comment une vie peut être banale.
ça la fatigue de philosopher. il avait pas dit pas de questions existentielles? elle sait plus trop de quoi elle parle au final. elle sait juste qu'on peut pas etre juste banal.
t'sais, s'illusionner avec des mots c'pas pire que s'illusionner avec de l'herbe, de l'alcool ou des cachets, m'sieur l'scientifique.
elle dit absolument n'importe quoi. ou pas. elle se rend plus compte et a dire vrai, elle s'en fout. c'bien là. y a le rose du soleil qui tâche la fenêtre. elle a envie de courir sur les trottoirs aujourd'hui. retourner voir silas, qu'il lui apprenne la guitare, vivre. avec des mots, des fumées, des alcools, des actions. elle veut tout nana tu sais max. agir c'est bien. mais les mots c'est bien. les illusions c'est bien. la réalité c'est bien. tout en même temps, même package. c'ça qu'elle veut.
j'veux pas. c'est juste que j'suis bien comme ça, après j'vais partir dans une grande quête existentielle qui va m'emmerder plus qu'autre chose, j'me souviens pas, c'très bien comme ça. mais si ça me prends un jour, j'te demanderais p'têtre, tu diras oui ou non, et j'frais ma bête quête d'identité comme une grande.
elle s'marre. s'étouffe un peu avec le whisky. s'rasseoit sur la table, les pieds dans l'vide, la tête dans la nuit qui s'efface, qui capitule.
t'sais quoi, j'joue d'l'accordéon.
aucun rapport. mais est-ce qu'il y a toujours besoin qu'il y ait un rapport ? elle aime bien ça l'accordéon. ça fait vintage. c'pas très rock mais bon.

nan, j'des trucs a faire aujourd'hui elle s'marre doucement.
et il repart, il parle encore. beaucoup, elle a du mal à le suivre nana. l'est fatiguée. et puis c'est un peu pragmatique comme vision des choses. il pourrait essayer d'voir ça plus fun. c'quoi une vie banale? nana elle pense que même les gens bien rangés dans la file de la vie, ceux comme il dit, moyenne d'age habituelle pour tout, même ceux là ils sont pas banals. qu'est-ce que tu sais des gens max, hein? p'têtre bien que la fille qui s'marie a trente ans -la moyenne-, qu'a deux, trois gosses ensuite, qui divorce parce que mainenant tout l'monde divorce, elle a autre chose a raconter. p'têtre bien que ses enfants ils sont pas banals. p'têtre que le sdf là devant, il a raté sa vie, qu'il est comme tous les autres et peut être pas, peut être qu'il a eut une vie de dingue avant ça, qu'il a trop couru partout, c'tout.
c'beau les ratés j'trouve.
conclusion merdique face à la tirade qu'il a sorti. mais pas grave, vaut mieux dire peu et bien. elle aime les ratés nana. les éprouvés, les laids, les cassés. elle aime bien ce qu'il y a dans l'regard quand t'appuie sur les cicatrices, ce qu'ils ont a raconté, à cacher. y a quelque chose de mystique dans les vie défaites, dans ceux qui ont raté.
euphorie passagère?
elle rit. elle dit rien. il sait mieux qu'elle, y a pas besoin de donner un avis sur ce coup. nana elle est pas sage, et elle est pas extrême non plus. tu lui tends un verre elle prends, tu lui tends un pétard elle prends. mais sinon elle en a pas besoin, elle recherche pas ça. max c'est son truc de tous les jours, de tout l'temps. les yeux rouges constamment. et tout ça.
il tend la main, elle frappe dedans. c'con, mais elle se souvient pas avoir déjà eu un autre contact physique que ça avec max. c'une première.
ouais, mais il est vieux, on m'l'a donné. j'appris avec un clochard t'sais alors c'est pas un accordéon d'compèt', mais j'adore ça. le souffle de l'accordéon ça a quelque chose de grisant. t'aimes bien ?

Ah ouais on est aujourd'hui et plus demain. Ca m'impressionne toujours ce stade où on a perdu la dimension du jour d'après. Le futur est devenu le présent en un rayon de soleil. Putain de mère nature qui nous embrouille bien avec son temps qui passe ou n'passe pas. J'sens que j'ai un peu perdu Nana, elle a l'regard vague de la fille qui pense tout bas 'oula il dit quoi celui-là'. C'est juste que j'préfère extérioriser plutôt que d'avoir trois mille pensées dans ma tête. Parler ça fait du bien quand on est bourré en fin d'soirée.
"Hahahah bah j't'en présenterai certains et on en reparlera", y'a un moment où faut arrêter d'idéaliser les âmes torturées, c'est bien c'que j'dis. J'comprends sa vision à Nana, j'ai sans doute été comme ça aussi à un moment de ma vie.
"Y'a de tout, des gens plus ou moins intéressants, partout. Des abrutis chez les réussis, des gars géniaux chez les prétendus 'ratés'. C'est juste dommage que les gars géniaux se battent pas souvent pour niquer les abrutis", pour moi t'es un raté quand t'es résigné. Quand même dans tes plus grosses galères tu t'dis pas putain, putain mais vas-y je DOIS y arriver. Ca m'angoisse un peu ces discours du petit matin. J'me dis que le jour se lève et que j'ai rien de prévu. J'ai arrêté la fac par simple flemme de passer mes exam. M'man l'sait pas. J'me dis qu'demain j'irai voir les modalités de réinscription.
"Ouais j'aime trop." Moi j'joue du piano mais ça personne le sait. 'Fin, j'ai arrêté y'a quelques années. Y'a peut-être Nash qui l'sait. La bouteille est finie, aïe. J'me rends compte que mes pensées apparaissent et s'évadent d'une seconde à l'autre. J'me disperse un peu, ça doit être l'accumulation d'un tout.
"On a dégommé une bouteille..." j'me mords la lèvre. Pseudo-coupable. J'aimerais bien avoir un père avec sa réserve d'alcool super ouf super cher super caché. Au lieu d'ça j'ai un père qui est pas là, et sa réserve elle est vidée d'puis longtemps. Tant pis.
Ceci dit, c'est bien vrai, l'alcool rend heureux. Nana, y'a un peu moins d'une heure, j'avais envie de la tuer. Maintenant ça va, avec son accordéon elle a gagné des points.
"C'est l'heure de dormir pour les petites filles"

Tac tac. boum boum. la vie c'est que des putain d'bruits qui cessent jamais. meme sous terre c'est sur, meme la haut c'est certain. elle aime bien le bruit nana, le son, tout ça. Ce matin, avec l'alcool, max qui philosphe tout ça, ça ressemble au hurlement des sirenes dans sa tete, une belle sinusoide, un truc qui descend et qui monte quand il parle max. c'marrant. sauf quand il est peut etre cinq ou six heures du mat', qu'il va falloir courir les rues sans but précis, sprinter sur les trottoirs pour s'essouffler de n'avoir rien fait. Le soleil se leve, la nuit est agonisante au fond du ciel. c'joli. Ça la fait penser comme une poete. seulement comme.
elle hausse les épaules, l'air de dire, fait comme tu veux, j'mon idée sur la question. tente un petit sourire tordu, perplexe, quand il lui parle de lui en présenter. elle t'a demandé une soirée nana. tu l'emmènera voir tes ratés aussi max? elle hausse les épaules encore, de toute façon il oubliera surement. p'têtre même que ce soir il sera défoncé avant même de penser qu'il doit l'emmener. elle ira le chercher sinon. nana elle est pas de celles qui attendent toute la nuit. ni de celles qui croient pas les promesses, et elle y croit dur comme fer a celle là, celle qui dit que max il l'emmènera, et s'il vient pas, s'il oublie, s'il es juste idiot, nana elle bougera son cul pour aller l'chercher.
j'te montrerai peut être alors. si tu veux.
elle joue pas souvent devant les gens qu'elle connait. aux dernière nouvelles on lui a dit que c'était ringard. mon cul, l'accordéon c'aussi fun que la guitare si tu joues autre chose que la javanaise et amélie poulain. elle a joué dans un bar une fois. il lui fallait d'la thune, pour manger. et dans la rue la fois d'après. dans un parc une autre fois. et aussi a un enterrement. et ailleurs mais elle sait plus.
elle fixe la bouteille vide, les yeux brillants, le regard éteint. elle boit pas trop nana. alors elle est pas certaine de retomber sur ses pieds si elle saute de la table.
ouais.. c'tait pas ta meilleure idée.
elle s'marre derrière. shit ça l'énerve. elle aime pas rire bêtement. rien d'plus énervant qu'un rire bête, idiot. qui s'perd dans l'univers. c'est l'moment ou ça ressemble a une peinture sous la pluie. ya tout qui s'mélange. et puis c'est joli. elle quitte la bouteille, fixe ses yeux sur max. enfin plutot essaye de fixer max. mmh? petites filles? ça la fait tiquer. ça la sort de sa torpeur. de sa vision délavée de max au petit matin.
c'la nuit qu'il faut dormir, j'veux pas m'coucher.
le ton est sceptique. si elle descend de cette table, ya de fortes chances pour qu'elle s'endorme par terre. et ça l'embêterait. si maman banks voit ça, elle va pas aimer nana. et puis elle devait rester l'aider ce matin. et cet aprèm elle avait prévu de.. rien.


(désolée pour le temps de réponse, j'avais plus d'ordi depuis vendredi)

avant j'me disais que j'voulais jouer dans un orchestre plus tard, un truc géant, avec des tambours qui tracent le rythme cardiaque et des violons qui pleurent. et maintenant j'suis l'orchestre philharmonique des clochards, c'était pas c'qui était prévu mais c'bien quand même. t'as/avais un rêve toi? un truc que tu voulais faire? genre pompier, prêtre, pilote ou un truc du genre?
Nana elle se pose trop de questions. et jamais les bonnes. Elle réfléchit trop. jamais bien. ça ressemble à bagdad dans sa vie, ça ressemble à rien. Et elle aime bien ça au final. ça lui fait bizarre d'lui proposer d'le laisser l'écouter, c'est comme partager un secret. Et avec Max, c'est encore plus bizarre. ça sera cool elle le promets.
elle étouffe un bâillement, la nuit a été courte. Et la prochaine sera encore écorchée. Celle d'après sûrement démembrée. Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'elle s'apaise nana, jusqu'à ce qu'elle tombe, jusqu'à ce qu'elle claque. Elle teste ses appuis, soulève ses fesses en s'appuyant sur les mains, descend ensuite un pied après l'autre en bas de la table, parce qu'elle est fatiguée, un peu moins que bourrée, un peu plus que pompette, un peu là-haut, un peu en dessous.
ce qu'elle veut faire là maintenant? manger. dormir. prendre une douche. marcher dehors. regarder le soleil qui passe du rose à l'orange, de l'orange au jaune, du jaune à la lumière. apprendre la guitare, apprendre le vélo, le skate, le football. acheter un livre. aller faire des courses pour maman Banks. regarder un film. passer un vinyle. croiser Jo (par hasard).
j'veux rien faire de bien important, j'suis même pas sûre d'être capable de marcher correctement avec c'qu'on a bu, et le sommeil en r'tard. j'vais attendre que ta mère se réveille. et ensuite je lui demanderai si j'peux squatter la douche aussi.
elle tourne la tête vers lui. Il va encore dire qu'elle abuse, c'est sûr (c'est vrai). Quoi qu'il a l'air d'être dans une bonne passe. Elle tourne la tête, teste son équilibre entre la table et le mur, essaye de suivre les lignes du carrelage. C'est marrant.

"Il est jamais trop tard tu sais... 19 ans c'est rien rien rien du tout" elle m'fait sourire avec ses rêves d'enfant. Un peu moins quand elle m'pose des questions. L'histoire pèse sur les épaules, j'ai la sensation de pas avoir d'avant, ni vraiment d'après.
"Euh bof... Tu sais nous les mecs on est un peu longs à la détente hahaha... Mes frères ont fait des études et tout, j'me disais que moi aussi, enfin j'ai commencé quoi. Puis y'a eu m'man etc, j'ai un peu arrêté. Mais j'sais pas, on verra, enfin, j'sais que d'une manière ou d'une autre j'me démerderai pour faire un taf qui me plaira" y'a eu un moment, avant, où j'étais archi archi angoissé. L'exemple des aînés qui se démerdaient bien, jouaient au basket, postulaient pour des bourses et tout le toutim. Moi à ce moment là j'me disais et merde, j'vais faire quoi à leur âge. Ils sont partis et même si ça a fait un vide, ça m'a fait du bien. D'la place pour s'envoler. C'qui fait mal finit par être bénéfique, j'en suis à peu près certain.
"Y'a pas d'rêves, y'a pas d'idéal, c'est tout" faut juste se bouger et se défoncer. Au sens figuré, pas au propre, pas comme c'que j'fais moi ces derniers temps. J'vois Nana se traîner sur ses gambettes chancelantes et j'lâche un rire.
"Ah ouais t'es patraque, tu vas carrément t'effondrer si on fait la fête demain" j'm'allume une clope, encore, le whisky me monte aux yeux et m'rend léger. J'crois qu'il est temps de dormir ou d'se rouler un joint.

non c'est vrai dix neuf c'est rien rien rien rien du tout. surtout quand on se souvient pas. dix neuf peut être, pour un an de souvenirs. c'est maigre ça. t'as raison max, dix-neuf ans c'est rien rien rien (..) du tout.
j'ai pas les thunes pour le conservatoire. et puis j'aime bien ça, jouer solo. mais un jour j'irai voir, un orchestre un vrai de vrai.
a ce stade on saurait pas dire si c'est les étoiles ou l'alcool qui brille dans les yeux de nana. peut être un peu des deux. elle hausse les épaules, continue son manège de funambule sur les lignes du carrelage.  elle relève la tête quand il parle d'avant. les souvenirs des autres c'est comme l'oxygène pour nana. les souvenirs des autres c'est fascinant.
des frères? elle hésite a demander où ils sont ses frères. sauf qu'elle les a jamais vu. alors ça doit pas être un souvenir marrant a raconter. alors elle se tait. des frères. peut être qu'elle en a nana. ou peut être des soeurs. ou peut être rien.
non c'est pas tout. j'ai pas d'idéal, mais les rêves j'en ai moi.
il s'marre et nana elle s'emmêle les pieds comme elle regarde max, perd un peu l'équilibre (elle boit pas autant, pas souvent, et puis elle est fatiguée). elle cherche pas a le retrouver, elle se laisse choir par terre. le crâne contre le froid et le plafond comme ciel. elle rigole un peu, elle fait pas la fête nana. enfin si des fois mais ça fait peur, ça ressemble à une fosse aux lions. alors il faut boire, et fumer (beaucoup), pour cacher qu'elle est seule, que les gens autour ils sont a des millions de kilomètres et que la musique elle trouve que c'est de la daube.
max? j'voudrais dormir. je crois que j'ai pas dormi depuis longtemps. et je veux que tu m'emmènes demain, alors tu pourrais m'aider a me lever s'teplait?
le sol c'est pas le top. et puis elle bouche le passage étalée comme ça. elle veut se lever, aller jusqu'au canapé, dormir. et puis elle a le sommeil léger nana. si max veut partir pendant ce temps, elle entendra si maman banks se réveille, elle se lèvera.