Sienna Louis
trente-six ans

une valse ça s'entend [...]
une valse a mis l´temps

Un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois... Elle danse toute seule, la femme du bout de la rue, légère comme la brise qui l'a poussée jusqu'ici, par hasard, et venue d'on ne sait où. Elle sourit un peu, beaucoup, de son rose à lèvres presque déjà effacé comme la peinture bleu des volets qui s'écaille. Ses cheveux flottent comme un nuage traversé par la lumière incandescente de la tombée du jour, après la course du soleil brûlant. Ses petites chaussures trouées s'usent encore d'avantage contre l'asphalte fatiguée alors qu'elle ne l'est pas du tout, du tout.
Un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois... Elle suit les pas presque trop rapides et se laisse guider par son partenaire imaginaire. Elle ne sait rien de lui, ce bel inconnu qu'elle vient de rencontrer au coin de la rue. Elle ne peut apercevoir les traits de son visage tant il est grand et la lumière moribonde du jour l'inonde toujours. Mais cela ne fait rien, elle pense que les hommes qui savent danser sont tous bien fait, de la tête aux pieds. Quand il l'a fait tourner, elle rit comme une nymphe des forêt avant de de disparaître et d'échapper pour de bon à l'homme qui la convoitait au point de lui courir après toute la sainte journée.
Mais, un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois... Cette fois c'est lui qui s'en va. Il fuit, le soleil. Elle ne pleure pas, ça change. C'est que sa robe ne pourrait pas éponger plus de larmes, alors il ne faudrait pas qu'il pleuve ce soir. Les doigts tâchés de lumière d'or qui s'éteint comme le ciel, elle rentre sa toile tendue, pinceaux et palette, le tableau est finit, la valse aussi. Avant de fermer la porte elle passe sa main sur la grande fissure dans l'entrée et sourit, faussement amusée, le regard bas, les dents serrées. Elle a bien fait, elle le sait.

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