La soirée battait son plein. Et c'est le sourire aux lèvres, les yeux pétillants, qu'elle se déchaînait sur la piste de danse, sa fine robe s'envolant autour d'elle. Elle aimait faire la fête, toujours un peu sagement, jamais à en tomber malade. Mais, jusqu'au point à ne plus vouloir se coucher. À continuer de s'amuser. Oui, c'était une super soirée, alors, elle ne s'était pas vraiment attendue à ce qui allait arriver.

Pourtant, elle aurait pu deviner.
Pourtant, elle aurait pu se méfier.

Mais, quand elle avait vu son sourire, elle n'avait fait qu'y répondre en attrapant sa main, en se glissant dans ses bras. Le sourire et le rire aux lèvres. Des baisers, sur les lèvres. Des baisers, dans le cou. Elle l'aimait, mais, y avait ce petit quelque chose de bizarre. De particulier. Alors, quand il l'avait tiré à lui pour s'en aller, elle avait essayé que mollement de l'en empêcher. Elle ne voulait pas partir. Encore s'amuser. Encore rire. Et puis y avait ses amis, elle voulait dire en revoir. Au moins ça. Rien que ça. « Aller, encore une petite heure ! »

Mais, ses paroles s'envolèrent en l'air. Le froid de la nuit venant mordre la peau nue de ses jambes. Elle soupira, tira un peu sur son bras trop serré, continuant de protester. Marchant pourtant derrière lui. Pour rentrer qu'il disait. Il voulait faire l'amour qu'il disait. Elle avait pas envie, elle. Alors, elle protestait. Jusqu'à ce que les pas s'arrêtent, jusqu'à ce que les yeux se noircissent, et qu'elle le voit. Ce regard. Celui qu'elle avait appris à connaitre. En si peu de temps.

Et le poing s'était levé.
Et le poing s'était abattu.

Là, dans le creux de son ventre, à lui couper le souffle. Les larmes dans ses yeux manquant de déborder. Pourquoi ? Voulait-elle demander alors que la main sur son bras se faisait encore plus douloureuse, encore plus serrée. Suffoquer, c'était la chose qu'elle détestait le plus au monde. Avec lui.

Mais, elle l'aimait.
Mais, elle avait peur.
De fuir.

Loin de cet amour tordu.

Moka sait bien que son pote est parti à la dérive.
Qu'il les a tous lâché pour devenir ce connard embrumé.
Il a pas trop su à quel moment ça s'est passé, ni pourquoi ça s'est passé.
Mais c'est bien arrivé.
Si ça ne tenait qu'à lui, il se serait contenté de n'plus le fréquenter, de l'ignorer. Aussi simple que ça après tout mais,
pas possible :
pas possible parce qu'il y a Rosa, Rosa avec lui et que Moka s'est déjà dit plusieurs fois : et si elle finissait par payer ?
Et là : elle paye. Exactement maintenant tout de suite.
Il aurait pu ne rien voir, il les a juste vus partir et il s'est doutés que c'était pour rentrer.
Ça lui a percuté le champ de vision comme une mini agression. Le geste brusque, le mouvement de recul de Rosa, et puis son corps se plier en deux sous le coup.
Et il a compris.
Moka s'avance, il court presque et il la pousse loin du fou, loin du. Pote ???
Mais qui c'est ce type, qui est-ce qu'il est devenu ? Il comprend plus.
-Dégage d'ici maintenant, laisse-la, tu sais quoi je vais la ramener plus tard, rentre tout seul d'accord ?
D'accord par d'accord il s'en fout Moka. Il traîne Rosa plus loin, il a le cœur serré, les yeux qui crient « mais putain qu'est-ce qui vient de se passer ? »
-Rosa, ça va ?
Mais non ça va pas Moka. Ça peut pas aller.

T'as pas compris ce qu'il se passait. Mais, t'avais senti le poing dans ton ventre, puis, les mains sur ton corps. Qui te poussent, repoussent. Loin, de lui. Loin, dans l'ombre. Le souffle toujours trop court, le corps tremblant, tu comprends pas trop Rosa. Ce qui est en train de se passer. Mais, tu les vois, ces deux silhouettes. Un sauveur. C'est un peu ça, t'as l'impression. Rosa, quelqu'un vient de te sauver alors qu'il avait encore porté la main sur ton corps. Sur ton cœur. Parce qu'à chaque coup, tu sentais ton cœur se serrer, se briser. Un tremblement et tu relèves un peu la tête, tu relèves un peu ton corps replié sur lui-même. Parce que la douleur passe. Comme toujours.

Et puis, y a les mains qui reviennent, sa silhouette qui s'éloigne. Et tu te retrouves seule. Seule avec lui. Tu sais qui il est, un peu. De vue. Mais, tu lui avais jamais trop parlé, pas intimement en tout cas. Tu hoquètes un peu Rosa. En fait, tu avais une sale tête, les yeux rouges, les lèvres mordues. T'avais envie de crier. Mais, tu n'y arrivais pas. « Rosa, ça va ? »

Ça fait comme un déclic, tu sursautes, ton regard se plongeant dans le sien et, tu trembles. Et là, le long de ta joue, coule l'unique larme que tu verseras. Parce que t'avais un peu appris à ne plus le faire. Pleurer.

Tout s'entasse, s'entrechoque dans ton cœur, dans ton âme.
Au point de te briser, de te noircir.
Trop de choses Rosa.
Qui font mal.

Et, la larme disparut entre tes lèvres, tu souris. Tu oses, le faire. Et, t'as même presque envie de le dire. Tout va bien. C'est rien, il a pas fait exprès. Mais, non non. Tu ne vas pas le défendre n'est-ce pas ?! Tu ne dois pas. Tu ne peux pas. « Moka. » Tu le murmures, son prénom t'es revenu. Moka. Oui, il était ami avec lui. Enfin, ami. Peut-être plus. Peut-être que tu venais de gâcher quelque chose Rosa. Mais, non. Non. Tu souris, ce sourire qui pourtant n'atteint pas tes oreilles. Non. Rosa, on voit que c'est faux. On voit que t'as mal.

« Ça... »
Tu veux le dire, que tout va bien. Tu veux le dire que oui, ça va. Mais, tu n'y arrives pas. Pas ce soir Rosa. Tu n'arrives pas. Est-ce à cause de l'alcool ? De ce regard trop vrai, trop inquiet ? Tu ne sais pas. Tu ne sais plus. Alors, c'est dans un murmure tremblant que tu oses, enfin, lui répondre. Un peu de vérité. Pour peut-être sortir la tête de l'eau. « Non...non, je...je crois pas. »

Au début, il a peur qu'elle dise que « oui ça va », Rosa.
Parce que dans ce cas là il dirait quoi lui, « mais non je vois bien que ça va pas, t'as le droit de me le dire de pleurer » ?? Mais Moka et Rosa, c'est qu'une vague amitié.
Ils se connaissent à peine, il y a juste ce maillon défaillant qui relie les deux, et puis rien d'autre.
Non vraiment il pourrait pas dire grand chose alors il est presque heureux qu'elle lui avoue que non.
Là au moins il peut se permettre de l'attirer contre lui et de l'emprisonner dans ses bras de la serrer fort la belle presque-inconnue.
Il serre fort, mais cette force là elle est pour guérir, pour réparer les tords.
Cette force là lui fera aucun mal, à Rosa.
-Je comprends pas ce qui vient de se passer, vraiment je suis désolé, j'voyais bien qu'il était plus pareil mais là comme ça à ce point là...
Sa phrase reste en suspens dans l'espace réduit entre sa bouche à lui et ses oreilles à elle.
Malgré la musique il sait qu'elle peut l'entendre.
Il est désolé Moka. Un peu comme si c'était sa faute à lui de pas avoir pu déceler un truc pareil. Mais qu'est-ce qu'il aurait pu faire ? Comment il aurait pu voir ? Il aurait déjà fallu être capable de remarquer la noirceur qui lui est tombé dessus, au pote.
-J'peux faire quelque chose ? Tu veux qu'on aille prendre l'air ? Tu veux rentrer ?
Il peut laisser tomber tout le monde pour te raccompagner chez toi, si tu veux, Rosa.
Il le ferait volontiers, Moka.

Tu te blottis, te serres tout contre lui, tes bras l'entourant alors que y a ton visage enfouit dans son torse. Tu comprends pas trop, Rosa. Ce qui arrive, ce qui vient de se passer. Mais, une chose est sûre, cette étreinte-là, elle ne te fait pas de mal. Bien au contraire. T'as l'impression d'être au chaud. Dans un endroit où plus personne ne pourra atteindre ton corps, ton cœur. Tu as envie de sangloter, telle une enfant. Mais, tu n'oses, ou, tu n'y arrives pas. Plus.

Trop de larmes déjà.
T'as appris à les taire. Parce que ça n'a jamais rien changé.
De pleurer.

Tu halètes un peu, te mords la lèvre en l'écoutant. C'est pas de sa faute à lui. Non. Lui, il a rien fait. Il a pas vu. Personne n'a vu. Sauf, elle. Malo. Mais, c'est pas pareil avec elle. Rien n'est pareil. Un souffle tremblant, et tu te serres un peu plus dans ses bras chauds et forts. « J'peux faire quelque chose ? Tu veux qu'on aille prendre l'air ? Tu veux rentrer ? »

Tu fermes les yeux et souris un peu. C'est bizarre, de se sentir protégée comme cela. Alors, que tu le connais si peu. Moka. Mais, il t'a sauvé. Ce soir, il est ton prince charmant et tu es la princesse Rosa. Mais, il t'a sauvé. Oui, ce soir, tu es Raiponce. Et Moka, il est Flynn.

« J'ai pas envie de rentrer chez moi. »

Parce qu'il sera là à t'attendre, tu le sais. Vous vivez ensembles. Lui et toi. Alors, forcément, il sera là-bas. Et, il sera en colère. Bien plus. Bien trop. Ça te fait peur Rosa. C'est un peu la première fois que t'as si peur de lui.