coeur d'or. c'était quoi ça ? un coeur en or, énorme. être idiot, j'aurais cru que c'était le coeur de la terre devant mes yeux, qu'il était caché tout ce temps derrière cette grosse affiche, il voulait pas qu'on le trouve, il voulait pas qu'on le brise. le petit malin, je devrais dessiner le mien et le cacher, qu'on le brise pas, qu'on le brise plus, mais ben et pierrot, ils sont parties avec des morceaux et je les trouve plus. probablement qu'ils sont dans le bordel de leur vie ou sous leur lit. faut dessiner maintenant, tout peindre en blanc, tout recommencer. essayer de reconstruire sur des choses qui n'existent plus trop ces derniers temps. je peux plus construire avec fleurs, elle est partie en même temps que le reste de détroit. c'est con quand même la vie, c'est con quand même l'amour.
- hey toi le jeune, t'as envie de reconstruire ?
t'as envie toi aussi de connaître le coeur de la planète ? de te rassurer en disant que c'est pas tout qui disparaît ? peut-être pas. le ou la. peu importe, ça l'a pas de sexe, l'aide.
Elle voudrait Nana. Qu'on lui prenne la main, qu'on l'emmène voir encore ses levers de soleils qui faisaient pleurer le ciel des larmes rouges. Qu'on l'emmène encore visiter les foules, fendre le monde comme des amants en fuite. Ecouter les vinyles tourner sur les platines jusqu'à avoir la tête qui tourne. Le vertige. la route n'a pas de sens. tu la prends à l'endroit, et en fait c'est à l'envers, tu traverses en diagonale, en perpendiculaire. c'toujours la route. toujours la même. le béton acéré, larmoyant, maladif. poussiéreux, tout plein de rêves chutés, tout plein de gens qui n'existent plus. est-ce qu'ils ont existé ? Nana elle prend dans un sens. elle prends dans l'autre. elle sait plus où elle est, elle a jamais su. Détroit c'est le trou noir pour elle. Nana elle est là parce qu'elle a suivit un clochard et sa guitare usé, un clochard et son clébard poussiéreux, presque aussi râpé que les murs de Détroit. Et puis boum, il et plus là. Elle a tourné au même endroit pourtant. derrière, juste derrière, et il est plus là. A la place y a un type qui ressemble à Détroit. usé, poussiéreux. vivant. Nana elle est comme lui. comme eux. un petit coeur brisé aussi, poussiéreux, tout plein de rêves qui s'envolent. suffirait de balayer sur son palpitant pour voir les kilos de poussière qui s'amassent depuis qu'elle divague dans Détroit. Sans lui. Parce que lui, lui, il l'a laissée. Il l'a cassée avec ses poings qui l'aimantent , ses poing qui l'aiment et elle veut pas voir. Il a tout fait péter, lui, comme ce putain de vinyle qu'elle a cassé juste après comme si casser ça changeait quelque chose. cassé, cassé, cassé. tout est cassé. et ce vinyle à la con qu'est cassé aussi, ça l'énerve, c'est un sacrilège de briser un disque noir. elle relève la tête Nana. reconstruire je sais pas, mais recoller ouais. ses petits morceaux de vinyles comme des morceaux de vies, des morceaux de Détroit, des morceaux de coeurs qui s'étalent dans ses mains trop blanches.
recoller ? je souris. c'est quoi recoller de nos jours ? placer des petits bouts de ruban adhésif, espérant que ça tienne encore des années. j'ai essayé de recoller mon coeur, mais il faisait que tomber sur le sol et à tous les coups, je devais le ramasser et le remettre dans un pot. je crois plus trop au recollage, mais cette fille est encore jeune, elle peut continuer de croire en beaucoup de chose, alors je vais rien lui dire.
- faut seulement tout peinturer en blanc. tu sais, comme tout effacer.
j'ai essayé de peindre fleurs en blanc, dans ma tête. j'ai essayé très fort, comme toutes les photos d'elle à la maison, mais pierrot et ben, ils veulent encore la voir, ils veulent pas l'effacer. alors elle reste encore dans ses cadres à nous regarder et dans ma tête, à me torturer. je lui tends un pinceau à la petite et des gants.
- ça va à tes parents ?
j'imagine qu'elle n'a pas dit en quittant la maison qu'elle allait peindre avec un vieux dans la rue, comme pierrot me dit pas tout ce qu'elle fait dans les rues. je commence à tout peindre, un coup à la fois, comme un pas à la fois. je pense aux premiers des enfants. je savais pas qu'être père, on se retrouvait avec une tête comme ça. avoir su.
elle tangue doucement. d'avant en arrière, les mains dans les poches. les cheveux devant les yeux. elle sait plus ce que c'est la jeunesse, la vieillesse. c'est comme les arbres, vient un moment où on ne fait plus la différence. entre les feuilles vertes et les mortes, entre l'écorce brûlée par le soleil et les veines palpitante qui secouent l'immobilité. effacer. ça sonne comme planquer. planquer la misère, mettre de la peinture sur le sale, du vernis sur la crasse, de la buée sur les lunettes. ça sonne comme une tricherie. pourtant, pourtant ce blanc l'attire. ce blanc qui illumine, qui ressemble à une apparition divine. elle sort de sa poche un morceau de disque noir, strié, lacéré, tranchant. il a perdu la rondeur rassurante du vinyle sur la platine. perdu les contours sans fins, hypnotiques. j'sais pas si ça va aider d'le repeindre celui là. ça la fit sourire. vrai, c'est bête après tout. repeindre, recoller. ça revient au même, oublier qu'on est cassés. elle prends les gants, le pinceau, sagement, se penche sur le seau de peinture, entreprends de faire comme lui. prends la route en sens inverse, parce que c'est Nana. alors elle se mets à écrire son prénom, nana en grandes lettres capitales, l'efface a grands coups de peinture blanche immédiatement. et puis elle dessine, un vinyle, un coeur, une clé de sol, les étoiles. les efface aussitôt en grandes lignes blanches. il a dit effacer. alors elle efface. elle sait plus trop a quoi ça ressemble les parents. ça crie surement. ça donne des ordres, des règles, des chaines. ça aime aussi, sûrement. elle sait plus trop, elle en a eut mais elle est partie tôt de chez elle Nana. très tôt. trop tôt. alors elle a oublié. disons que j'en ai pas. je sais plus en fait. ça va a tes parents? dis Nana, ça leur va? surement non. mais c'est comme des fantômes, ils existent sans exister, elle se rappelle pas leurs visages, son cerveau les a effacés. ça fait pas si longtemps, pourtant c'est comme les souvenirs d'une autre personne. flous. sales. poussiéreux. ça ressemble aux lumières des phares sur l'autoroute dans sa tête. et toi, ça va a tes enfants? elle sourit au mur. s'il s'inquiète de ses parents a elle, il doit avoir des enfants lui. et c'est étrange un père qui peint les murs en blancs comme si c'était le salut. elle aime l'étrange nana. l'inattendu. cette barbe blonde au coin de la rue, qui l'attends pour effacer. comme si c'était prévu.
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