SWAN, APPLEBY
VINGT-DEUX

c'est en mourrant qu'on devient immortel

ça fait une éternité qu'elle est partie. "je te la confie" maman a dit, mais maman ne te dira plus jamais rien. elle était sous ta responsabilité, tu avais promis de la protéger. de veiller sur elle plus que sur ta propre vie. (elle vaut rien ta vie, mais la sienne, elle en valait la peine.) elle t'aurait suivi au bout du monde ta soeur, ta moitié, quitte à mettre ses jours en danger. elle s'en foutait que tu dises qu'elle pouvait pas t'accompagner, elle voulait vivre là où toi tu avais l'impression d'étouffer et de crever. elle avait seize ans quand le sol de la vieille usine désaffectée s'est dérobé sous ses pieds et qu'elle s'est effondrée plus bas, magnifique petite poupée désarticulée. pour maman, t'es mort en même temps que son second enfant.

y a des jours où vous ne parlez pas.
c'est à peine si vous vous regardez.
vous n'avez rien besoin de dire,
plus besoin de respirer,
pas non plus envie de pleurer, de rire, de vivre ou de mourir.
le silence dure,
apaise, soulage;
c'est la confiance à l'état pur.
les volutes de fumée s'élèvent dans le soleil couchant,
vos respirations se mêlent aux gémissements du vent.
et puis vous vous séparez en sachant que vous vous retrouverez le lendemain, comme hier, comme demain,
et ça pour le reste de vos misérables vies.
vous faites la même chose depuis que vous êtes tout petits.

parfois, tu trouves ça rassurant de n'être qu'un objet, d'être plié à la volonté d'un étranger; ça t'empêche de prendre des décisions dénuées de raison. ça t'empêche de déconner. l'argent que tu gagnes en dépit de ton corps sali et de ton âme pervertie est suffisant pour payer ton petit appartement, acheter de quoi oublier que tu devras de nouveau te donner à qui aura assez de fric pour passer une heure à tes côtés. la vie ne vaut plus grand chose de toute façon, ici. tout le monde meurt lentement mais sûrement, pauvres êtres oubliés dans un monde qui fonce à cent à l'heure. bientôt, plus personne n'aura de quoi te payer. tu te démerderas pour trouver autre chose, seul, comme tu l'as toujours fait.

pourquoi t'aimes pas le sexe ? qu'elle demande.
parce que c'est mon métier et qu'on n'aime pas son métier, tu réponds.
pourquoi t'aimes pas détroit ? qu'elle demande.
parce que détroit meurt et qu'on n'aime pas la mort, tu réponds.
pourquoi t'aimes pas parler de toi ? qu'elle demande.
parce que je suis un bon à rien (c'est papa qui l'a dit) et que les bons à rien n'ont pas grand chose à raconter, tu réponds.
pourquoi t'aimes pas la vie ? qu'elle demande.
d'où te vient cette idée ? j'aime la vie, puisqu'il ne me reste plus que ça, tu réponds.

+:

Lou Koma a écrit:

justine sans will?????
(mais joe est tout aussi beau)

j'me disais la même chose
le gif est tout mignon !
bienvenue ici, joli garçon